Demi-saison - I -
Demi-saison
I
Je n'ai pas changé, je suis toujours ce garçon
Un peu fou, qui dessinait l'amour sous les ponts,
Qui la nuit comptait les étoiles avec ses doigts
Et les traçait dans son cœur nu sous aucun toit.
Un troisième printemps, depuis l’époque où je me suis mis à grandir, commençait à bourgeonner. Les deux derniers printemps, il y avait toujours un chant terriblement élégiaque quand j’entendais l’oiseau perché sur la branche.
D’abord, il y eut cette fille que j’ai le plus aimée, et le plus pleurée. C’était là mon véritable premier amour, et ma rencontre avec la douleur. Ce fut certainement cette passion qui bouleversa toutes mes pensées futures, parce que je commençais à comprendre que la quête du bonheur était beaucoup plus ardue que je ne le pensais enfant. Je pris alors ma plume, et me résolus à écrire le plus grand malheur du monde, parce qu’il était mien.
Je vois un garçon qui avait le cœur cassé en deux morceaux : l’enfant pleurait pendant que le jeune homme écrivait. Je vois Laure, non pas l’amie que je connais, mais celle-là qui était « l’étoile de mes nuits, le soleil de mes pluies ». Et les premiers mots innocents coulaient ainsi.
Age tendre
Si jeune et toi si belle, tu étais mon chagrin
D'amour; le premier, je t'appelais princesse
De mon coeur; les nouvelles larmes de détresse
Traçaient alors sur mes joues un cruel dessein.
J'allais chercher ton sourire chaque matin,
Ma plume écrivait comme une poétesse;
Et les mots devenaient des milliers de pièces,
Quand je volais un peu d'or pour remplir mes mains.
Anciens souvenirs de mes temps juvéniles,
Je relis les vers d'un coeur encore indocile;
Ils semblent être d'anciens jouets perdus
Les trains et les alphabets qui faisaient grandir
Et que l'on ressort du coffre avec un sourire,
Rempli de tendresse et de sentiments confus.
avril 04
Après les cours du collège, j’allais au petit parc près de chez moi. C’est un endroit où il semble que la nature ait décidé de prendre place un jour, au milieu de nos maisons. J’écoutais la musique d’une paix illusoire, qui se confondait aux bruits des courants d’air traversant mes peines. Le feuillage des arbustes était d’un vert humide, et mes yeux aussi. Bientôt le bois du petit banc était à son tour mouillé, et les pierres se mettaient à fondre pour devenir des flaques d’eau. Pourtant il ne pleuvait pas.
C’est un pull de laine bleu ou rose
Lorsque l’on traversait le parc et la fin de l’hiver
Tu ne te doutais pas que les feuilles étaient désolées
Parce que j’avais pris l’habitude de sécher mes larmes
Dessus au printemps elles restaient encore de cristal
Tu n’as pas su que c’était là que je pensais à toi
Que ma vie commença enfin
Pour mon plus grand malheur
Je pense que toutes les autres filles
Je ne les ai jamais autant aimées
Jour après jour, je n’arrivais plus à observer que la nuit. Alors je ne voulais plus voir.
[…]
Il tomba la tête en premier, paisible et fier
Son bras droit tenant fermement sa mort : un revolver
Son visage exprimait une paix enfin trouvée,
Et ses yeux resteront fermés jusqu’à l’éternité.
-27/05/02-
Puis le premier été de mon adolescence m’emmena vers un premier espoir auquel j’y croyais ardemment. J’aimais chez elle son allure discrète, ses joues souvent roses sur son teint pâle, et puis je dois avouer, ses yeux noisette. (Pourtant en regardant de nouveau nos photos, je la trouve laide maintenant…). J’avais donc réussi à aimer une autre, alors que je savais pourtant avec insistance que ce ne pouvait être possible !
Quelques images nettes et précises. Je la raccompagne à 1h du matin dans l’allée jusque chez elle. Un au revoir d’été trop court. Les dernières images sont différentes. Son anniversaire. Une rose rouge. Elle l’a jetée quand je suis parti. Elle m’avait menti sur tous ses sentiments. C’est celle que je déteste le plus.
Par contre, je me souviens moins bien du second printemps. Je sais seulement qu’il fut vide et dépourvu de sens. C’est peut-être pour cela que je n’ai pas d’images qui reviennent. Pourtant j’ai des pages entières qui les remplacent. Mais les mots ne parviennent pas à remplir les lignes, quand ceux-ci se ressemblent tous.
La vie est fade
-mardi 21 janvier 03-
******. Je ne suis jamais tombé amoureux d’elle. Elle m’a fait mal pendant un jour. Il y eut un nouvel échec. Encore une des choses qui me confirmèrent que j’étais bon à rien. Désormais, c’était le sentiment qui m’occupait, traversant mes paupières même refermées.
J’arrivais épuisé face à ce nouveau printemps, parce que j’avais été affaibli par deux tempêtes déjà, et j’avais pensé, peut-être voulu, que la deuxième m’aurait emporté.
Mais cette troisième époque, je ne l’aurais jamais imaginée ainsi. Ce fut une sensation tellement étrange, que de regarder derrière son dos, d’apercevoir un chemin sur lequel on a marché depuis déjà seize ans, et où les arbres dévastés sont couchés sur leur dos, pour empêcher la vue des temps plus lointains. Je croyais en fait que ma vie avait commencé il y a trois ans, et j’oubliais tout ce qu’il y avait eu auparavant.
Quand j’ai revu les deux tempêtes je les ai ressenties de nouveau, mais avec le regard du jeune homme exaspéré. J’ai alors décidé que le destin avait choisi de jouer avec moi.
Sonnet
Il y a eu des étoiles que j'ai tant aimées
Et pleurées; il y a eu des flots de larmes vertes
Qui creusaient des fossés sur mes membres inertes.
Et d'un gouffre dans mon coeur sortaient des fumées
Noires comme les nuages qui pleuvent sur moi,
Le soleil m'immole-t-il, ah quel désarroi;
Sans doute ailleurs préfère-t-il se cacher
Car ici jamais n'a-t-il voulu se lever.
Ce devait être un sonnet, mais finalement
Les alexandrins n'effacent pas les erreurs;
C'est que ma verve s'est montrée à la faveur
De mes pensées troubles, sibyllins sentiments
Quand je frissonne loin de toi, soleil moqueur:
Je devais sourire mais voila que je pleure.
avril 04