Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

L'ébauche d'un jeune songe (I) : Bonjour Paris, ou les nouveaux rivages.

2 mai 2005

Exit - III -

III






Elle n’a pas de visage bien défini; parfois elle est, d’autres fois elle n’est plus. Je me joue des tours.




Sur la route, le 8 Août 2004,

Chère toi,

    

     J’écris cette lettre que j’aurais tellement peur de t’envoyer. Le train avance en même temps que les traînées de poudre, qui s’élancent suivant les lignes horizontales du paysage. Ce sont en même temps des anecdotes qui se répandent à travers ce jeu. Je crois que tu es de ces personnes qui arrivent à influencer mes sentiments. 

     J’ai là un goût amer, parce que je me sens de plus en plus loin de toi ; et la frise sur la vitre du train ne cesse de tracer ses motifs infinis. Je traverse de plus longs chemins pour essayer de t’ouvrir les livres que je n’ai jamais écris. Un peu d’amertume, je crois bien que je pense souvent à toi.

     Pourtant, je sais que l’on ne se connaît pas complètement… Mais c’est le mystère de tes yeux qui me fait t’adorer. J’aime chercher à comprendre les mots étrangers. Parle-moi, chuchote à mon oreille quelques traversées…

     Tu es si étonnante, c’est bien cela qui me plait. Une fille avec laquelle on pourrait te confondre ne saurait exister ! Comment te dire que tu sembles être la photo que je voudrais conserver près de moi ?

     On ira s’évader ensemble, assis sur les étoiles, et on dormira sur le toit du ciel ! Et même si on se perd, ce ne sera pas bien grave, on se tiendra par la main pour se perdre ensemble… 

Alain P.




     Je me demande si « l’ami » est, ou si « l’ami » est invention. L’idéal de l’amitié que j’ai n’est autre qu’un reflet qui pourrait me comprendre et m’apprécier comme je le suis. Sûrement que cette personne, c’est moi. Mais un ami ne peut être soi même. Je crois surtout que j’ai besoin de penser que je suis compréhensible.




Grau du roi, le 12 Août 2004,

Cher ami,

     Comme tu le vois sur la carte postale je suis bien arrivé à la mer. Je suis dans un centre de vacances et pour la première fois, je ne fais pas vraiment d’effort pour m’intégrer parmi des jeunes. Seulement le strict nécessaire pour ne pas être exclu. Ce sont les autres qui viennent vers moi en premier. Pareil pour les filles. Comprends-moi, je suis un peu las de me forcer à jouer les relations futiles qui doivent durer seulement quelques jours. Ce qui m’intéresse c’est la sincérité, l’authenticité des relations qui peuvent s’établir sur un intervalle de temps naturel.

     Mes compagnons de vacances ne répondent pas à ma mentalité, et sont tout à fait différents de mes fréquentations habituelles. Je suis étranger parmi les étrangers. Bien sur, je pourrais m’adapter aux circonstances le temps du séjour, tu sais bien que je suis sociable ! Mais je suis parti pour me faire plaisir, alors je veux profiter de mes journées selon mes propres goûts.

     L’amour de la nature me conduit souvent à m’échapper du tumulte des autres, pour déguster pleinement des moments perdus. Sans être troublé, je reste fidèle aux promenades. Mes voyages traversent le port de Camargue, et atterrissent paisiblement parmi les plages et les palmiers. Ils s’étendent aussi verticalement, quand se dresse devant moi ce tableau saisissant, que je voudrais peindre sur les murs de ma chambre.

     Il y a en effet cet endroit retranché, où je prends plaisir à m’asseoir sur un banc de rochers velouteux. Mes pieds baignent dans des flots verts azurés, qui clapotent contre le doux cuir des crabes, et cajolent en même temps mon regard. La mer s’étend infinie, je crois alors avoir le monde à moi ! Au loin, il y a une ligne qu’on ne voit pas. C’est le ciel et la mer qui s’embrassent sous le même coup de pinceau. Les voiles blanches sont de petits moutons qui broutent l’herbe du pré. Je n’ai pas de flûte, mais le vent salé suffit à bercer nos oreilles.

     Et le soir, crois-moi, quand le soleil vient à se coucher, j’aimerai mourir en même temps que lui ! La force des rayons qui résistent dans la gouache forme alors une mosaïque triomphante. Les jets lumineux sont comme d’ultimes éruptions qui traînent, tout en sachant qu’il faut partir…

     Par ailleurs, la plupart de mon temps est consacrée à la navigation. L’eau file à toute vitesse pendant que le catamaran semble être au milieu de nul part. C’est une sensation de liberté qui m’émeut, et qui me donne envie de parcourir le monde entier.

     Tu te demandes sûrement ce que mes compagnons de vacances peuvent penser… Mais rassures-toi, je suis incompréhensible pour bien de monde, même pour mes amis. Et ici, cela m’amuse de voir que l’on s’étonne quand je décide d’aller écrire ou lire à la plage. Je sais bien que je suis exigent à propos des relations, mais je crois plutôt que c’est le bonheur qui l’est. J’ai parfois du mal à m’amuser… (Peut-être que je ne sais pas comment faire). J’ai besoin de mes amis qui sont un socle stable auquel je peux me reposer. Ici, ils sont absents, mes uniques repères sont alors ce qui se rattache à mes goûts. Et tu sais bien que j’adore voyager parmi les rêves…    

     Les derniers jours ont été un peu difficiles. Non, non, ne crois pas que j’aurais voulu rester plus longtemps encore, une semaine comble largement mon besoin de dépaysement ! Mais c’est qu’avec la distance, ma grand-mère m’a énormément manquée… C’est idiot de dire ça, je le sais, car n’importe où je serai sur cette Terre, nous serons toujours séparés par les mêmes distances ! En fait, c’est que j’ai pris entièrement conscience de l’irrévocabilité de la situation…

     Je deviens plus complexe. Pas encore tout à fait, et c’est pour cela que mes pensées sont parfois confuses. Mes choix également le sont, et parfois même, ont été mauvais. Je pense à tout cela, et mes vacances défilent au rythme de mes réflexions.

     J’espère que tout se passe bien pour toi, et que nous pourrons nous revoir bientôt.

                                     

                                      Amitiés,

                                                                Alain P.




plage2004

     Je redoute de ne pas savoir goûter les joies comme il le faut, et de passer à coté de beaucoup d’insouciance. C’est aussi quand j’y réfléchis que je m’en éloigne le plus. Pourtant, je trouve cela nécessaire, parce que je n’aime pas ce qui est inutile, et je voudrais tout écrire avant d’avoir vécu. Je crains surtout d’avoir compris des contradictions dont il ne faut pas s’en rendre compte.

     J’ai fais des efforts pour renouer de manière plus vérace avec mes amis de Créteil. L’atmosphère qui m’était familière est retrouvée. Aucun désagrément avec François : comme toujours, nos discussions sont longues et convergent facilement.

     Ce sont sûrement de nouvelles époques qui arrivent bientôt. Je crois avoir laissé derrière, des années immenses, tant d’erreurs inéluctables… Mais le temps a pris soin d’appliquer du baume sur les plaies, et d’apaiser les chagrins.




arbre2004




last25

Publicité
Publicité
2 mai 2005

Exit - II -

II




     Samedi était une journée pleine de poésie. Dommage qu’elle fut morose. Mais la plupart du temps les deux vont de pair chez moi.

     J’arrivais à Paris en ce début d’après-midi ensoleillé. D’abord, je me suis rendu dans l’enceinte du Palais du Louvre, où il y a une fontaine. J’ai achevé le dessin maladroit d’une façade que j’avais commencée la veille.

     Je me baladais à Saint-Germain-des-Prés pendant longtemps, avant d’atteindre le quartier latin. Finalement, je décidai de dessiner une autre fois et je continuais alors ma promenade.

     Je ne discutais avec personne, puisque j’étais seul. Mais je crois que j’eus énormément de pensées qui me firent dialoguer avec moi-même. Je sentais quelques fois des gouttes mouiller le bord de mes yeux. Je pensais que mon meilleur ami m’avait oublié sitôt les vacances commencées, qu’il est occupé pour moi, et libre pour d’autres. Je n’aime pas me tracasser pourtant.    

     Mais surtout, je comprenais qu’il y a quelque chose d’étrange en moi ; il me manque un petit peu de cette « normalité » qui vous rend plus facilement appréciable des autres. Je rencontrais sans cesse des soucis, et ça m’exaspère. 

     Arrivé au parvis de Notre Dame, je contournai le monument par un joli parc qui donne vue sur la Seine. J’avais souvent envie d’une glace ou d’une crêpe, mais je trouvais stupide de déguster ceci tout seul.

     Dans mon élan, je ne me suis arrêté qu’après de longues heures de marche, à la fin de l’après midi. J’ai acheté un sandwich, dans le 5ème, celui qu’on prend tout le temps mon ami et moi; et je l’ai pris au bord de la Seine, sur un banc à l’ombre des arbres. Je me rappelais alors ce que j’avais écrit la veille des vacances.


Les nuits sucrées

J'ai hâte d'être en vacances.

Il y aura les nuits d'été ou je me sentirai s-e-u-l,

La fenêtre ou

Et           ver

v i d e. ----te

Mais surtout, il y aura les nuits sucrées où je goûterais les délices

De mes rêves, où j'écrirais sur le papier jauni

Que j'ai vécu mille aventures,

Que je n'ai oublié aucune !

L'après midi, j'irai quelques fois au parc.

Je me promènerai

Assis sur un banc

J'écrirai

Les gens qui p a s s e n t, les enfants qui c o u r e n t, la fontaine qui r e s p i r e.

                    D'autres fois, je partirai sur ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ Seine.

                                                              l e s b e r g e s d e l a

Je défilerai devant les péniches, et

Fatigué je me poserai

                                      à

                                             terre.

Rêver

La vie

Ce sera chouette.

            Je revins ensuite vers la cathédrale, et me posais quelques instants. J’en profitai pour lire quelques morceaux d’écriture parmi ceux que j’avais amené. Des poèmes qui me rappelaient certains visages. Puis le chapitre consacré à cet ami.

     Je me sentais seul au monde et abandonné de tous. Je regrettais bientôt d’avoir quelquefois, dans mes sursauts de stupidité, aimé la vie. Elle était décidemment trop triste ! Etait-ce vraiment cela la réelle vie ? Marcher toujours en croyant sourire un jour, avec des promesses qui sont toujours des mirages, devant nous ?

     Je longeais les rivages, et me dis que je pourrais refaire cela tous les jours. Je rejoignis ainsi la Bastille au début de la soirée.

Dimanche, en juillet.





louvre3























     Il semble que les gens ont de plus en plus de difficulté à m’apprécier. En fait il n’y a pas beaucoup de réciprocité dans mes relations. Je pensais que cela ne m’arrivait que pour les histoires d’amour, mais finalement ce défaut touche même les amitiés. « Tu ne m’apprécies pas autant que je t’apprécie.» « Tu m’apprécies plus que moi je ne t’apprécie.»

     Ma vie devient désagrégation. Et le résultat est que je deviens de plus en plus solitaire et que j’ai peur, parce que bientôt je sens que je serai seul. J’adore de moins en moins de personnes, la réciprocité ne semble pas toujours là. En fait je crois que je préfère maintenant avoir peu d’amis, et les chérir absolument.

     Je n’ai jamais été aussi angoissé. Bien sûr je ne vois pas l’avenir du tout. Quant à celui qui est proche, c'est-à-dire la nouvelle année scolaire qui arrive, et bien il n’annonce pas des temps radieux. Je vois déjà me baladant couvert d’un parapluie, et tombent les feuilles couleur de châtaignes : il pleut toujours. Je m’arrête souvent tandis que les berges du fleuve coulent sans jamais s’arrêter. Ce sera pareil quand les arbres seront nus. Je mettrai une écharpe, des gants, et je m’en irai flâner de nouveau.

     Mais que dis-je ? Lorsque je suis seul, j’éprouve de la peine. Alors cela voudrait-il dire que je prends goût à la tristesse ?

Lundi, en juillet.




fenetre3

Fenêtre monochrome

En ces soirs d’été qui ne cessent d’être pluvieux

Je nettoie les longs morceaux de coton fangeux

Errant si tôt le ciel safrané qu’ils édentent

Pour sillonner ma rêvasserie indolente

J’allonge le regard sur la fenêtre morne

Coincée entre les murs de terre ocre que borne

Mon cœur bat comme une casserole vidée

Tandis que le cuivre salit mes joues tannées

Les allées rappellent les rangs de sycomores

Je vois leurs images brouillées qui me dévorent

Dans la vague née du rideau de brume épais

Je goûte l’ennui humecté par le café

                                                              juillet 04





bateauxbruns1





Reflet

Je me promène le long des bras de la Seine

En ces journées où l’aube borde le jour sage

Il se superpose un piano sur les rivages

Il me déplace vers une lointaine scène      

Tes pas gracieux mêlent ta fine silhouette

Au rythme des menuets puis des ariettes            

Et des flots qui gondolent en de bleus croissants

Bercés par ta voix suave les palissant

Tu t’égares le long de nos quais, je t’envois

L’ancre, mes odyssées, et la rose des vents

Tu me donnes, voile inconnu, le tintement

Et la lumière, l’espoir en lequel je crois

                                                               juillet 04

     La plupart des amis sont loin. Je crois que je passe un été entier à Paris. Il ne se passe pas un jour sans que la solitude ne veuille m’échapper; il n’y a qu’elle qui ne m’abandonne pas. Bientôt l’ennui laisse place à la désespérance.

     J’arpente les rues et les rêves. Je dessine des voyages, j’invente ce que je n’aurais pas vécu. Je sommeille, je goûte, j’écris. Rien ne me procure un peu de plaisir.

     Je n’aperçois même plus la félicité que j’ai toujours tant recherchée. Je ne perds plus mon temps à rattraper ce qui est insaisissable. Ce sont des jours perdus tout court, et insignifiants.


Entends-tu la caresse des barges sur la langueur

D’un passant qui s’arrête deux minutes sur ce banc ?

Regarde comme les pinceaux lui animent des compagnons et des escapades

Ils sont nés du mirage de ce désert qui assoiffe

Les pensées

Seul(es), les jours cloîtrés ont fait pousser

La paresse, le duvet au-dessus des lèvres

La déréliction



phare3





2 mai 2005

Exit - I -

Exit



I



Il y avait le ciel et la mer

Et moi, je pêchais sur mon bateau

Des abricots que je croquais

Dedans il y avait leur noyau

En forme d'amande, c'étaient tes yeux


     Voilà celui qui rêve tellement, que bien souvent il est tombé de haut lorsque la réalité l’a rejoint. Malheureux, il a souvent essayé de traverser le pont qui relie la Terre au Plafond de paille. Presque candide, il est alors revenu vaincu après avoir rencontré des étoiles soit trop élevées... soit trop cruelles. C'est un garçon qui n'a sans doute jamais su sourire. Je me souviens de ses déceptions. De la mélancolie de l'automne, en passant par la tristesse de l'hiver, la nostalgie du printemps à la solitude de l'été. Ses dernières années n'ont certainement pas été très agréables.

     Après avoir pleuré la première fois, il y a déjà 3 ans, c'est alors que le petit Prince a commencé à grandir. Il a eu d'autres chagrins, il a écrit d'autres poèmes et la vie a continué.

     Aujourd'hui il est en train d'écouter Rachmaninoff, il se dit qu'il n'a jamais rien réussi, et qu'il n'a jamais su briller. Il pleure un peu. Mais pas trop. Ça lui arrive à chaque fois.

            

Pan

      Le vent n'était pas encore parti

                             Que le train hivernal t'appelait déjà.

                                      ------J'ai--attendu--ton--ombre--à--l'horizon------

                                                           Ton reflet était sur les g

                                                             Des yeux qui a               o

                                                                                     r              u

                                                                                      r                 t

                                                                                         o                 t

                                                                                           s                  e

                                                                                             e                  s      

                                                                                              n    t les joues.

   

Invitation

Le soir tombait comme moi qui aimais la Lune

Il se relevait elle s'en allait : je restais

Avec ses yeux dans les pages de mes cahiers

Perdu, et les alizés soufflaient sur la dune...

Des grains qui tracent l'ébauche de l’infortune         

Car mon chêne fut déraciné à jamais

Avec les étoiles mortes tu disparais

Perdu, le jour arrive et c'est la pluie des prunes...

Je les cueille juteux, déjà je me réjoui

Un jour ils seront sucrés, et la lune éblouie   

Revenue, sourira, j'aimerai enfin être

Bercé par la bise il se lèvera le jour

Un halo de pétale accompagne son retour

Yeux et cahier fermés j'inviterai les lettres.

                                                              juin 04


2 mai 2005

Demi-saison - III -

III




     Je rencontrais cette année de nouveaux visages, et au fil des histoires que chacun me contait, j’eus l’impression que mon pessimisme fut quelque peu rejoint, et mon défaitisme justifié.

     Charles est un garçon qui connut une pénible enfance déchirée à travers les problèmes familiaux. Débrouillard, mais sensible, il souffrait face à une déception amoureuse.

     Thomas est un garçon très intelligent qui semble avoir compris depuis longtemps la tragique existence humaine. Il a également déjà été déçu.

     Bien sur, il y a aussi l’histoire d’Alain, celle d’Audrey, celle de Baptiste, celle de Marie… Et sûrement des tas d’autres inconnues ou oubliées, toutes aussi attendrissantes les unes que les autres…

     Ma vie n’était donc pas le plus grand malheur du monde. Après toutes ses tribulations, je pensais avec orgueil que j’étais l’incarnation de l’infortune; et qu’en dépit de cela, j’étais un être à part. Mais il n’en est rien. J’étais un homme comme un autre, et j’éprouvais ce qu’il y avait de plus commun. Devais-je être déçu de cela, ou au contraire me réjouir du fait que nous souffrons tous ?

     Ce qui est certain est que ma vision de la vie devenait davantage désespérée. Si j’eus été le seul être qui pâtissait, je pouvais cependant porter espoir sur le monde joyeux qui m’entourait. Mais sur quoi pouvais-je dès lors me reposer, si la désolation s’étendait en tout endroit ?

     Peu à peu, mes repères s’éteignaient, en même temps que mes aspirations à quelque délectation. Je déambulais sans avenir à l’horizon, avec dans mon ballot mes poèmes seuls, et le dégoût de vagabonder.

     J’eus la chance d’avoir un professeur de littérature qui savait aussi enseigner habilement quelques mystères de la Vie. C’est ainsi que Chateaubriand me fit prendre tragiquement conscience de la fuite du temps, et que la nostalgie est illusion, si je tente de retrouver quelque parcelle de félicité dans un temps dores et déjà perdu. Mais alors, que de jours j’ai gaspillés inutilement ces dernières années! Je ne faisais donc que vivre dans le passé! Pourquoi donc avais-je sans cesse le dos tourné vers ce qui ne changera jamais? Il devenait à présent urgent de vivre un peu.

     C’est aussi à la fin du printemps que Thomas et Marie surent réciproquement qu’ils s’étaient épris l’un de l’autre. Quant à moi, je sus que l’amour pouvait alors également être bonheur, et l’espoir sembla ne pas être encore éteint. Je retrouvais un peu de sens et de goût après m’être essoufflé. Il fallait que la vie soit utile : je rendrai le sourire à ceux qui l'ont perdu, je rendrai le soleil aux nuits qui sont éternelles. Cependant, s’il fallait renoncer à vivre dans le passé, était-il vraiment raisonnable de vivre à travers le bonheur des autres ?




arbre33





22 avril 2005

Demi-saison - II -

II





Ma mère me disait "courage" lorsque de peur

Pour ne pas me rendre à l’école je pleurais

Je crois encore l’entendre car désormais

C'est pour aller vivre que je pleure



    Ma grand mere est partie trop vite à la fin du mois d’avril. Je l’ai vue cette nuit-là et je sais que je n’oublierai rien.

     Les jours qui suivirent, il y avait des cérémonies bouddhistes selon son souhait, car elle était très croyante. Je découvrais ma religion. Parce que je ne possède qu’un pendentif en forme de Bouddha et que je ne suis pas vraiment pratiquant, voire croyant.

     Les bonzes arrivaient chaque jour dans sa chambre, avant les funérailles, afin de faire des prières qui écartent les mauvais esprits et de protéger ma grand-mère. Après le troisième ou quatrième jour, son âme abandonne son corps. Il faut sept semaines, soit quarante neuf jours pour que l’esprit aille rejoindre le monde des morts. Et les bonzes doivent continuer à prier afin que les fautes commises lors du vivant de la personne décédée soient pardonnées, pour pouvoir atteindre le Paradis.

     Je me tournais vers la religion. Plus que jamais je fus croyant après le départ de ma grand-mère, car c’était l’unique façon de croire en une autre vie, de croire qu’elle est encore présente, et que je la reverrai un jour. Il me fallait un espoir, parce que la mort est une des choses les plus incompréhensibles de la condition humaine.

     Je pleurais encore, la vie était décidemment toujours injuste. Je souhaitais que ma grand-mère soit heureuse La-bas, avec mon grand-père ; et j’éprouvais du remord pour ne pas l’avoir rendue visite plus souvent cette année, et de ne pas lui avoir dit comment je ne cesserai jamais de l’aimer.

     Une semaine après les funérailles, je fis le rêve qui restera sûrement inscrit au plus profond de moi-même. Elle était là, et savait qu’elle n’était plus là. Je le savais aussi. Nous nous serrions dans nos bras et nos larmes se mêlaient les unes aux autres. C’était le dernier adieu. Quand je racontai ceci à ma mère le matin, je ne pus m’empêcher de verser des larmes de nouveau… Je pleurais pour la première fois devant quelqu’un depuis que je suis adolescent. Je n’avais pas honte.

                Pour chercher son souvenir, je fouillais les images plus lointaines. Elle passait ses vacances chez nous quand j’étais en maternelle. J’avais droit, à chaque fois que je lui rendais visite, à une petite voiture Majorette. Et mes parents avaient fini par acheter un garage tout entier pour les ranger !

     J’avais ouvert un album de photos couvert de plusieurs couches de poussière; et au fil des pages tournées, mes mains semblaient redevenir celles qui, minuscules, tenaient les petites voitures rouges.


      En Petit Prince, un short porté de façon maladroite, un tee-shirt rayures horizontales bleues et oranges, le sourire niais, la visière de ma casquette est impeccablement droite. J'étais enfant et je n'avais aucun souci.

       J'habitais les châteaux de sable quand venait l'été, et les grains sonnaient ma liberté. Je rêvais de la voie lactée dessinée sur mes puzzles, où je remplaçais les étoiles par des tas de bonbons. Les carrousels semblaient être les aiguilles de mon horloge. C'était toujours pareil, je parcourais le temps accompagné des chevaux de bois.

      Aujourd'hui, les châteaux de sables ont été emportés par le vent. C'est un printemps doux, et je pourrais rire, ou même chanter. Mais il est difficile d'effacer le passé lorsque celui-ci est ancré au plus profond. Il y a ces soirées au coin de la lampe de chevet, où je me mets à rêvasser, et j'écris.

      Ce sont des jeux dangereux, parce que les épines du mauvais temps ont bourgeonné et c'est une flaque de peine que je ne vois pas dans le fond de mes yeux. Je prends goût à la paresse, et j'attends des jours meilleurs…




chateau41




            J’avais complètement oublié mon enfance ces dernières années, trop occupé à penser. A cette époque, l’enfant inconscient et innocent que j’étais, était heureux. 

            Finalement, les tempêtes se suivent. Face à un bonheur lointain retrouvé, j’avais mal davantage, parce que tout avait disparu maintenant. Ce fut un printemps où tous les souvenirs furent entrelacés entre les amours déçus, la perte de ma grand-mère, et l’enfance retrouvée…

     J’avais déjà fait, à seulement seize ans et demi, le constat de toute une vie. Alors, mon parcours rétrospectif m’amena vers une seule conclusion : la vie est absurde.

    

Mon chagrin printanier

C’est un de ces printemps qui parait plus austère

Que le temps des frimas où se gelaient les vers.

Ceux où les bourgeons n'illuminent pas en Mai

Ce qu’un soleil pâle ne fleurira jamais.

Il est des printemps où je suis plus abattu

Que les tristes hivers, quand pleurait l’arbre nu.

Et ce chagrin, enfariné sur une toile,

Peint des moutons gris, de minces bateaux à voiles.

Vois-tu, les temps ne seront plus jamais les mêmes

Ici, depuis que les mains sont devenues blêmes

Moroses comme la vie qui s’est rembrunie

Comme les saisons ternes et anéanties

Ce sont des mots tel que le charbon de nos larmes

Parmi les journées dont la poussière nous désarme

                                                                                     avril 04

Publicité
Publicité
22 avril 2005

Demi-saison - I -

Demi-saison





I



Je n'ai pas changé, je suis toujours ce garçon

Un peu fou, qui dessinait l'amour sous les ponts,

Qui la nuit comptait les étoiles avec ses doigts

Et les traçait dans son cœur nu sous aucun toit.



    Un troisième printemps, depuis l’époque où je me suis mis à grandir, commençait à bourgeonner. Les deux derniers printemps, il y avait toujours un chant terriblement élégiaque quand j’entendais l’oiseau perché sur la branche.

     D’abord, il y eut cette fille que j’ai le plus aimée, et le plus pleurée. C’était là mon véritable premier amour, et ma rencontre avec la douleur. Ce fut certainement cette passion qui bouleversa toutes mes pensées futures, parce que je commençais à comprendre que la quête du bonheur était beaucoup plus ardue que je ne le pensais enfant. Je pris alors ma plume, et me résolus à écrire le plus grand malheur du monde, parce qu’il était mien.

     Je vois un garçon qui avait le cœur cassé en deux morceaux : l’enfant pleurait pendant que le jeune homme écrivait. Je vois Laure, non pas l’amie que je connais, mais celle-là qui était « l’étoile de mes nuits, le soleil de mes pluies ». Et les premiers mots innocents coulaient ainsi.        

    

Age tendre

Si jeune et toi si belle, tu étais mon chagrin

D'amour; le premier, je t'appelais princesse

De mon coeur; les nouvelles larmes de détresse

Traçaient alors sur mes joues un cruel dessein.

J'allais chercher ton sourire chaque matin,

Ma plume écrivait comme une poétesse;

Et les mots devenaient des milliers de pièces,

Quand je volais un peu d'or pour remplir mes mains.

Anciens souvenirs de mes temps juvéniles,

Je relis les vers d'un coeur encore indocile;

Ils semblent être d'anciens jouets perdus

Les trains et les alphabets qui faisaient grandir

Et que l'on ressort du coffre avec un sourire,

Rempli de tendresse et de sentiments confus         



                          avril 04



     Après les cours du collège, j’allais au petit parc près de chez moi. C’est un endroit où il semble que la nature ait décidé de prendre place un jour, au milieu de nos maisons. J’écoutais la musique d’une paix illusoire, qui se confondait aux bruits des courants d’air traversant mes peines. Le feuillage des arbustes était d’un vert humide, et mes yeux aussi. Bientôt le bois du petit banc était à son tour mouillé, et les pierres se mettaient à fondre pour devenir des flaques d’eau. Pourtant il ne pleuvait pas.


C’est un pull de laine bleu ou rose

Lorsque l’on traversait le parc et la fin de l’hiver

Tu ne te doutais pas que les feuilles étaient désolées

Parce que j’avais pris l’habitude de sécher mes larmes

Dessus au printemps elles restaient encore de cristal

Tu n’as pas su que c’était là que je pensais à toi

Que ma vie commença enfin

Pour mon plus grand malheur

Je pense que toutes les autres filles

Je ne les ai jamais autant aimées


     Jour après jour, je n’arrivais plus à observer que la nuit. Alors je ne voulais plus voir.    

[…]

Il tomba la tête en premier, paisible et fier

Son bras droit tenant fermement sa mort : un revolver

Son visage exprimait une paix enfin trouvée,

Et ses yeux resteront fermés jusqu’à l’éternité.

-27/05/02-

     Puis le premier été de mon adolescence m’emmena vers un premier espoir auquel j’y croyais ardemment. J’aimais chez elle son allure discrète, ses joues souvent roses sur son teint pâle, et puis je dois avouer, ses yeux noisette. (Pourtant en regardant de nouveau nos photos, je la trouve laide maintenant…). J’avais donc réussi à aimer une autre, alors que je savais pourtant avec insistance que ce ne pouvait être possible !  

     Quelques images nettes et précises. Je la raccompagne à 1h du matin dans l’allée jusque chez elle. Un au revoir d’été trop court. Les dernières images sont différentes. Son anniversaire. Une rose rouge. Elle l’a jetée quand je suis parti. Elle m’avait menti sur tous ses sentiments. C’est celle que je déteste le plus. 

            Par contre, je me souviens moins bien du second printemps. Je sais seulement qu’il fut vide et dépourvu de sens. C’est peut-être pour cela que je n’ai pas d’images qui reviennent. Pourtant j’ai des pages entières qui les remplacent. Mais les mots ne parviennent pas à remplir les lignes, quand ceux-ci se ressemblent tous.

La vie est fade

-mardi 21 janvier 03-

            ******. Je ne suis jamais tombé amoureux d’elle. Elle m’a fait mal pendant un jour. Il y eut un nouvel échec. Encore une des choses qui me confirmèrent que j’étais bon à rien. Désormais, c’était le sentiment qui m’occupait, traversant mes paupières même refermées.

     J’arrivais épuisé face à ce nouveau printemps, parce que j’avais été affaibli par deux tempêtes déjà, et j’avais pensé, peut-être voulu, que la deuxième m’aurait emporté.

     Mais cette troisième époque, je ne l’aurais jamais imaginée ainsi. Ce fut une sensation tellement étrange, que de regarder derrière son dos, d’apercevoir un chemin sur lequel on a marché depuis déjà seize ans, et où les arbres dévastés sont couchés sur leur dos, pour empêcher la vue des temps plus lointains. Je croyais en fait que ma vie avait commencé il y a trois ans, et j’oubliais tout ce qu’il y avait eu auparavant.

     Quand j’ai revu les deux tempêtes je les ai ressenties de nouveau, mais avec le regard du jeune homme exaspéré. J’ai alors décidé que le destin avait choisi de jouer avec moi.




         Sonnet

Il y a eu des étoiles que j'ai tant aimées

Et pleurées; il y a eu des flots de larmes vertes

Qui creusaient des fossés sur mes membres inertes.

Et d'un gouffre dans mon coeur sortaient des fumées

Noires comme les nuages qui pleuvent sur moi,

Le soleil m'immole-t-il, ah quel désarroi;

Sans doute ailleurs  préfère-t-il se cacher

Car ici jamais n'a-t-il voulu se lever.

Ce devait être un sonnet, mais finalement

Les alexandrins n'effacent pas les erreurs;

C'est que ma verve s'est montrée à la faveur

De mes pensées troubles, sibyllins sentiments

Quand je frissonne loin de toi, soleil moqueur:

Je devais sourire mais voila que je pleure.

                                                                          avril 04

22 avril 2005

L’ami

L'ami





     Durant les vacances de Noël je fis connaissance tout à fait par hasard avec la sœur d’Alain (il a le même prénom que moi), plus jeune que nous d’une année. C’est ainsi que je pus le connaître davantage.

     Au début de l’année nous discutions déjà, mais je ne le considérais pas vraiment comme quelqu’un qui eut des qualités auxquelles je pouvais m’attacher; et puis, je lui faisais fréquemment des plaisanteries de mauvais augure. J’étais désagréable, provoquant et lourd. Et je regrette tellement ce coté vil qui parfois s’éveille en moi.

     Cependant, il était toujours correct à mon égard, et ne m’a jamais reproché quoi que ce soit. C’est un garçon qui n’aime pas la haine parce que la haine ne le connaît pas.

     Le connaissant d’avantage, je découvris en lui, un personnage qui incarne tout à fait l’idéal d’un ami que j’avais toujours recherché.

     Auparavant les relations d’amitié que j’avais eues ont toujours été plus intimes avec les filles. D’ailleurs ma meilleure amie était Laure, lorsque nous fumes encore suffisamment proches. Mais je n’ai jamais vraiment eu de meilleur ami. En réalité, parmi mes amis masculins, aucun n’avait les qualités que je recherchais, et qui pourrait me comprendre autant que moi-même je ne me comprends pas.

     Je me rendais compte que je devenais de plus en plus exigeant en amitié, peut être parce que je prenais de plus en plus goût à la solitude, que j’aimais fuir mes amis et me reposer, avec pour seule compagnie l’ombre de ma plume sur les cahiers d’écoliers. Je fais sûrement parti des personnes qui me comprend le mieux sur cette terre. Et lorsque l’on est seul, on se sent plus libre. 

     Certes, François est sans doute l’un des amis que j’apprécie le plus énormément, et certainement l’ami de Créteil qui arrive le mieux à percevoir le fond de mes pensées. Lui aussi est passionné par la littérature, et ô combien ont été nombreuses nos discussions littéraires, voire philosophiques !

     Mais Alain était singulièrement différent de tous les amis que j’ai eus et que j’ai encore. Parfois je me demande même comment se fait-il que je n’eus pas aperçu plus tôt qu’il était l’ami qu’il me fallait absolument. Parce que d’un seul coup, alors que la nouvelle année du calendrier commençait, je fus pris d’une terrible volonté de me lier d’amitié avec lui. Ce fut peut être la première fois de ma vie que je dus faire des efforts et aller de moi-même pour devenir ami avec un garçon.

     Ce ne fut pas tâche facile, mais malgré mes blagues déplaisantes du début de l’année, Alain qui n’est pas du tout vindicatif, commençait à accepter ma compagnie… Et moi, je découvrais chaque jour qu’il correspondait tout à fait à l’idéal romanesque que j’avais de l’amitié.

     Et pourtant nous sommes différents. Il se dit lui-même ne pas être lyrique, alors que moi je suis constamment inspiré par Orphée. Mais c’est parce qu’il y a dans ses traits de caractère la juste mesure des choses. Et s’il n’écrit pas, ses pensées doivent être lyriques. Du moins, je puis dire qu’il n’est pas insensible.

     Outre le fait qu’il soit un garçon aimable et généreux, le plus surprenant est qu’il y a quelque chose en lui qui le distingue de tous, indescriptible et que je ne pourrais qualifier que par «magique» ou «surnaturel». En effet, bien que je sois très ouvert, je suis très prudent quant à mon intimité et mes histoires personnelles. Je n’accorde ma confiance souvent qu’à des personnes que je connais depuis plusieurs années, et ne puis me confier que très difficilement. Bon nombre de mes bons amis de Créteil connaissent quelques unes des histoires qui m’ont affligé, mais aucun dans les détails, et surtout ne connaissent que des fragments de ma vie. Parce que j’ai aussi un goût particulier pour la solitude lorsqu’il s’agit des choses de la vie. En revanche, et c’était la première fois que cela m’arrivait, j’accordais une confiance aveugle à Alain, et je pouvais tout lui raconter sans jamais être inquiet, ni gêné. Et toujours en me sentant libre d’être entièrement moi-même. Il a l’art de comprendre.

     Je trouve souvent la vie assoupissante, et que nous sommes ennuyeux. Mais jamais je n’ai trouvé Alain ennuyeux. C’est un garçon qui est empreint de mystères cachés dans un coffre et qui en même temps, non renfermé, donne plaisir à en déceler les clefs.

     Et moi qui suis empli de pensées indignes… Je soupçonnais au début de notre amitié, que j’étais un fardeau pour lui. Je me demandais si j’avais bien fait de lui montrer à quel point j’appréciais être son ami. J’ai bien honte d’avoir pu penser cela, parce qu’Alain pourrait-il avoir des pensées hypocrites ?

     Les jours et les mois passaient tranquillement. Et nous allions visiter les boutiques de vêtements après les cours, et nous parlions des filles que nous trouvions jolies. Le quartier latin était à deux pas de notre lycée, et des ballades. C’était lui qui me guidait et qui me faisait découvrir davantage les recoins de Paris. Il y avait les musées, parce que nous aimions nous cultiver. Il y avait les journées de roller où le débutant que je suis s’efforçait de le suivre. Il y avait le jardin du Luxembourg où l’on pouvait se reposer.

     Je n’hésitais jamais à abandonner mes anciens amis pour être en sa compagnie. Je crois même qu’il fut l’une des raisons pour laquelle je choisis de me distancier d’eux. Et j’étais satisfait.

     Je crois que je lui offrais beaucoup de preuves de mon amitié. Je ne parle pas d’objets matériels, mais des choses plus vraies. Les paroles par exemple. Je lui faisais savoir à quel point il était déterminant pour moi.    

     Peut-être ne comprenait-il pas toujours, j’étais peiné. Et bien souvent face à mon amitié j’avais l’impression qu’il était gêné, parce que sûrement, il ne pouvait pas m’apprécier autant que moi je l’apprécie. Je fus bien désolé dans ces moments là. Parce que si lui est si singulier, qu’avais-je, moi, de plus que les autres ? Il m’arrivait même d’être jaloux lorsque je pus penser qu’il préféra d’autres amis à moi. Et d’être en colère quand il préférait la compagnie d’autres personnes! 

     Je comprenais qu’Alain était la meilleure rencontre que j’eus pu faire, « un ami pour qui j’aurais volontiers donné ma vie »*. Il m’apparut dès lors inconcevable que ma vie ne l’eut jamais croisé. Il y a des rencontres où l’on sent qu’il n’est pas possible qu’elles soient le fruit du hasard, parce que si tel était le cas, alors la vie ne dépendrait seulement que du hasard. Et ça, je n’y crois pas.

     Alors, il était également impensable pour moi, qu’un jour il s’éclipsa de mon chemin aussi vite qu’il y fut entré. Je voulais qu’il soit un frère ou un cousin pour ne jamais le perdre.

     Souvent, quand la fin de l’année scolaire approchait, j’eus quelques craintes quant à l’année d’après, et même aux grandes vacances. Parce qu’il fait parti des personnes qui rendent ma vie plus sympathique, et que c’est sûrement lui qui, soudainement, l’a rendue moins vide. Je me demandais si j’allais une fois de plus perdre des êtres qui me sont chers. Serions-nous encore amis longtemps? Je ne pouvais supporter l’idée qu’un jour il me déteste ou qu’il m’oublie. Je posais mille questions, et je ne trouvais jamais mille réponses.



* extrait de L'ami retrouvé de Fred Ulhmann

22 avril 2005

Elle

Elle





Salut Alain,

            Je  voulais te féliciter pour ton courage. Ton histoire m'a bouleversé, c'est vraiment une très belle histoire d'amour même si la fin est triste.

            Tu me connais Alain, tu sais que j'ai toujours du mal à m'exprimer sur des sujets comme ça, il faudrait presque dire que mon coeur s'exprime même si tu ne peux pas le voir, j'espère que tu le ressentiras.

            Enfin, il faut savoir que son image ne doit pas te figer l'esprit, tu dois passer à autre chose, la vie te réserve d'autres surprises, c'était juste une fille de "passage" (je suis désolé de te dire ça), elle est éphémère, elle n'a duré qu'une semaine! Ce n’est pas sur celle là que tu dois te focaliser, je te le répète. Je suis désolé si mes phrases te blessent, réfléchis... Je sais qu’à ma place c'est très facile de dire ça, j'aurais été blessé également. Cependant, profite de ma position objective et extérieure à ce qui s'est passé.

Ton ami,

François.

    

    Céline était mon espoir. Il y avait la lueur de la vie que je crus voir lorsqu’elle me regardait. Mais elle ne put me regarder assez longtemps pour que je perce tous les secrets qui libèrent des maux. 

     Pourtant cette fois-ci je n’ai été triste à cause d’une fille que pendant moins d’un mois. Trois semaines tout au plus. Cela m’étonne moi-même, dans le passé j’eus beaucoup de mal, quelques soient les histoires, à me détacher véritablement de l’image de celle que j’aime. Il y a comme une sorte de maturité qui fait comprendre que le désespoir est inutile. Ce ne fut plus la tristesse en elle-même qui me faisait pleurer, c’était l’exaspération de l’échec et du sentiment d’être coupable parce que je suis mauvais.

     Lorsque j’entendais cette chanson « She’s the one », je chantonnais les paroles :

I was her she was me
We were one we were free
And if there's somebody calling me on
She's the one
If there's somebody calling me on
She's the one

     Et je la revoyais. Mais je n’étais plus amoureux, parce que j’avais compris que continuer à l’aimer serait une erreur. Et il ne fallait pas que je tombe dans le piège, que les histoires se répètent inlassablement. Ce n’était plus la même peine, j’avais enfin grandi.





Ephémère,

la vague se retire des grains de sable secs : ils se détachent un à un

Des Perles,

il semblait qu'autrefois tes yeux me rappelaient que la vie existe parfois

Une Poussière d'or,

et j'avais cru tout comprendre

Ephémère,

la vague revient, balaie les billes de la mer : au loin elles se cognent et disparaissent.

22 avril 2005

L'envol - II -

II




     J’entrai au lycée Charlemagne et j’avais décidé que ma vie commençait, il fallait que le passé sache rester à sa place.

     Charlemagne est un de ces lycées renommés de la capitale. J’y fus accepté grâce aux résultats que j’eus obtenus durant ma tranquille scolarité à Créteil. Ce n’est que plus tard que je compris ce que signifiait réellement l’excellence.

     Les élèves que je rencontrais ici étaient d’un niveau remarquable. Fort heureusement, je ne fus pas reculé au rang des plus médiocres, comme je l’avais prévu et craint plus tôt. Il m’arrivait même parfois de m’illustrer, quand à ma grande surprise, je parvenais à obtenir des notes assez respectables; provoquant ainsi l’étonnement de certains, je m’efforçais de montrer que le nouvel élève provincial n’était pas aussi sot qu’il ne paraissait être.

     Mais tout avait changé. Plus jeune, je pensais à un avenir certain. D’un coup, le doute s’empara de moi. « J’avais bâti des plans sur tout, - une montagne De projets »*. Et je les voyais s’envoler au fur et à mesure que je me découvrais pour la première fois. Je ne serai donc pas celui qui changerait tout… « [J]e croyais, pauvre esprit, qu’au monde je manquais…- »*. Il y avait un sentiment de défaite qui grandissait. L’assurance que j’avais toujours eue pour moi dans les études commençait dès lors à s’ébranler.

       En ce début d’année, ces réalités qui m’affectaient, ainsi que ma détermination à les surmonter avaient occupé tout mon esprit, assez pour que ce ne fusse pas la Vie qui m’affecte de nouveau par ses caprices.

     Durant les quatre premiers mois, mon amitié avec mes chers amis de Créteil n’avait guère changé, sinon que je les fréquentais moins à cause des nouvelles circonstances. Mais nos degrés d’intimité perduraient, et j’étais ravi que Laure fut toujours l’amie pour qui j’éprouvais autant de tendresse qu’auparavant.

     Il y avait dans ma classe des personnes vivement sympathiques, et je fus intégré au sein de celle-ci assez facilement. Mais l’absence d’intimité crée des liens de camaraderie plutôt, et ses liens-ci m’ont toujours apparu, même dans les années précédentes, assez superficiels parce que nécessaires au sein d’un groupe d’individus qui doivent cohabiter ensemble.

     Je pressentais néanmoins que cette nouvelle classe allait me plaire, parce que mes camarades paraissaient respectueux et respectables. Mais je ne pouvais penser que je serai ami avec quelque personne de manière assez intime pour pouvoir tisser des liens aussi fort que ceux avec mes amis de Créteil.

     Il faut dire qu’il s’agit d’un groupe d’amis avec lequel je m’étais lié d’amitié depuis la fin du collège. Avec l’entrée au lycée, nous avions pu entretenir nos relations malgré le fait que nous fûmes éparpillés un peu partout, à travers différentes classes ou différents lycées. Et puis, par exemple, l’année dernière en seconde, je ne considérais les nouvelles personnes que je connaissais dans ma classe seulement comme des «copains» ou des «connaissances», et je refusais de devenir «trop intime», parce que mes amis me suffisaient largement.

     Rapidement cette année, j’attirais la compagnie de N. un garçon aimable et courtois. Il était fils d’un scientifique éminent, et jamais n’a-t-il profité de cela pour se sentir supérieur à d’autres. Je trouvais ceci admirable, mais je ne pouvais m’empêcher de me sentir gêné quant à ma situation sociale. Cependant, aussi vite que nous fumes bons amis nous sommes devenus aussi indifférents l’un pour l’autre parmi nos autres camarades. Pour devenir vraiment ami avec quelqu’un, il y a un certain degré minimum d’intimité à atteindre, et avec N. cette étape ne fut pas vraiment franchie, peut être parce que nous étions trop différents.

     Quelquefois, comme toujours, le passé revenait à moi. J’avais alors de la peine. Pourtant je n’ai pas pleuré pendant les trois premiers mois qui ont suivi la rentrée. Ce ne m’était jamais arrivé depuis deux ans. Les soirs abattus étaient moins fréquents que l’année précédente, où bien souvent ils étaient quotidiens. Je me débattais avec moi-même parce que je savais que j’étais sur la bonne voie, et j’étais ainsi tiraillé entre l’abandon et résister.




Mais la guitare laisse échapper un silence murmuré

A travers les cordes sèches des heures perdues

Elle parle d’une autre époque, et

Malgré tout, c’est une consolation

D’écouter la mélodie des feuilles brunes

Quand les pétales du temps se détachent

un

à

un



* extraits de Ruy Blas de Victor Hugo

22 avril 2005

L’envol - I -

L’envol






I



     L’année de mes seize ans a vu les fruits secs commencer à mûrir et un arbre plein d’espoir fleurir. Le triste chant que j’entendais souvent est devenu moins naïf et je me surprends même à l’apprécier. Peut-être fait-il parti de moi et que je ne pourrais pas me l’amputer parce que j’y tiens.

     Il est apparu un peu de lumière après que je fus plongé longtemps dans l’obscurité. Difficilement, mais chaque rayon qui émerge est tellement surprenant, parce qu’un jour, pendant deux ans, j’ai cru que le soleil s’était couché pour toujours. Non pas que je ne le crois plus, mais il m’arrive d’y penser de manière différente.

     Au fil du temps, la tristesse prend une autre forme. A force, on parvient à la comprendre un peu, et parfois elle apparaît douce; et rayonnante, elle devient votre plus grand compagnon.



    Les larmes                                                                                                        l’on a pleuré.
               
cachent                                                                                    parce que
                           
les plus grands                                             n’existe que
                                                      
sourires : le vrai sourire

Publicité
Publicité
1 2 > >>
L'ébauche d'un jeune songe (I) : Bonjour Paris, ou les nouveaux rivages.
Publicité
Derniers commentaires
Publicité