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L'ébauche d'un jeune songe (I) : Bonjour Paris, ou les nouveaux rivages.
22 avril 2005

Demi-saison - II -

II





Ma mère me disait "courage" lorsque de peur

Pour ne pas me rendre à l’école je pleurais

Je crois encore l’entendre car désormais

C'est pour aller vivre que je pleure



    Ma grand mere est partie trop vite à la fin du mois d’avril. Je l’ai vue cette nuit-là et je sais que je n’oublierai rien.

     Les jours qui suivirent, il y avait des cérémonies bouddhistes selon son souhait, car elle était très croyante. Je découvrais ma religion. Parce que je ne possède qu’un pendentif en forme de Bouddha et que je ne suis pas vraiment pratiquant, voire croyant.

     Les bonzes arrivaient chaque jour dans sa chambre, avant les funérailles, afin de faire des prières qui écartent les mauvais esprits et de protéger ma grand-mère. Après le troisième ou quatrième jour, son âme abandonne son corps. Il faut sept semaines, soit quarante neuf jours pour que l’esprit aille rejoindre le monde des morts. Et les bonzes doivent continuer à prier afin que les fautes commises lors du vivant de la personne décédée soient pardonnées, pour pouvoir atteindre le Paradis.

     Je me tournais vers la religion. Plus que jamais je fus croyant après le départ de ma grand-mère, car c’était l’unique façon de croire en une autre vie, de croire qu’elle est encore présente, et que je la reverrai un jour. Il me fallait un espoir, parce que la mort est une des choses les plus incompréhensibles de la condition humaine.

     Je pleurais encore, la vie était décidemment toujours injuste. Je souhaitais que ma grand-mère soit heureuse La-bas, avec mon grand-père ; et j’éprouvais du remord pour ne pas l’avoir rendue visite plus souvent cette année, et de ne pas lui avoir dit comment je ne cesserai jamais de l’aimer.

     Une semaine après les funérailles, je fis le rêve qui restera sûrement inscrit au plus profond de moi-même. Elle était là, et savait qu’elle n’était plus là. Je le savais aussi. Nous nous serrions dans nos bras et nos larmes se mêlaient les unes aux autres. C’était le dernier adieu. Quand je racontai ceci à ma mère le matin, je ne pus m’empêcher de verser des larmes de nouveau… Je pleurais pour la première fois devant quelqu’un depuis que je suis adolescent. Je n’avais pas honte.

                Pour chercher son souvenir, je fouillais les images plus lointaines. Elle passait ses vacances chez nous quand j’étais en maternelle. J’avais droit, à chaque fois que je lui rendais visite, à une petite voiture Majorette. Et mes parents avaient fini par acheter un garage tout entier pour les ranger !

     J’avais ouvert un album de photos couvert de plusieurs couches de poussière; et au fil des pages tournées, mes mains semblaient redevenir celles qui, minuscules, tenaient les petites voitures rouges.


      En Petit Prince, un short porté de façon maladroite, un tee-shirt rayures horizontales bleues et oranges, le sourire niais, la visière de ma casquette est impeccablement droite. J'étais enfant et je n'avais aucun souci.

       J'habitais les châteaux de sable quand venait l'été, et les grains sonnaient ma liberté. Je rêvais de la voie lactée dessinée sur mes puzzles, où je remplaçais les étoiles par des tas de bonbons. Les carrousels semblaient être les aiguilles de mon horloge. C'était toujours pareil, je parcourais le temps accompagné des chevaux de bois.

      Aujourd'hui, les châteaux de sables ont été emportés par le vent. C'est un printemps doux, et je pourrais rire, ou même chanter. Mais il est difficile d'effacer le passé lorsque celui-ci est ancré au plus profond. Il y a ces soirées au coin de la lampe de chevet, où je me mets à rêvasser, et j'écris.

      Ce sont des jeux dangereux, parce que les épines du mauvais temps ont bourgeonné et c'est une flaque de peine que je ne vois pas dans le fond de mes yeux. Je prends goût à la paresse, et j'attends des jours meilleurs…




chateau41




            J’avais complètement oublié mon enfance ces dernières années, trop occupé à penser. A cette époque, l’enfant inconscient et innocent que j’étais, était heureux. 

            Finalement, les tempêtes se suivent. Face à un bonheur lointain retrouvé, j’avais mal davantage, parce que tout avait disparu maintenant. Ce fut un printemps où tous les souvenirs furent entrelacés entre les amours déçus, la perte de ma grand-mère, et l’enfance retrouvée…

     J’avais déjà fait, à seulement seize ans et demi, le constat de toute une vie. Alors, mon parcours rétrospectif m’amena vers une seule conclusion : la vie est absurde.

    

Mon chagrin printanier

C’est un de ces printemps qui parait plus austère

Que le temps des frimas où se gelaient les vers.

Ceux où les bourgeons n'illuminent pas en Mai

Ce qu’un soleil pâle ne fleurira jamais.

Il est des printemps où je suis plus abattu

Que les tristes hivers, quand pleurait l’arbre nu.

Et ce chagrin, enfariné sur une toile,

Peint des moutons gris, de minces bateaux à voiles.

Vois-tu, les temps ne seront plus jamais les mêmes

Ici, depuis que les mains sont devenues blêmes

Moroses comme la vie qui s’est rembrunie

Comme les saisons ternes et anéanties

Ce sont des mots tel que le charbon de nos larmes

Parmi les journées dont la poussière nous désarme

                                                                                     avril 04

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