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L'ébauche d'un jeune songe (I) : Bonjour Paris, ou les nouveaux rivages.
22 avril 2005

L'envol - II -

II




     J’entrai au lycée Charlemagne et j’avais décidé que ma vie commençait, il fallait que le passé sache rester à sa place.

     Charlemagne est un de ces lycées renommés de la capitale. J’y fus accepté grâce aux résultats que j’eus obtenus durant ma tranquille scolarité à Créteil. Ce n’est que plus tard que je compris ce que signifiait réellement l’excellence.

     Les élèves que je rencontrais ici étaient d’un niveau remarquable. Fort heureusement, je ne fus pas reculé au rang des plus médiocres, comme je l’avais prévu et craint plus tôt. Il m’arrivait même parfois de m’illustrer, quand à ma grande surprise, je parvenais à obtenir des notes assez respectables; provoquant ainsi l’étonnement de certains, je m’efforçais de montrer que le nouvel élève provincial n’était pas aussi sot qu’il ne paraissait être.

     Mais tout avait changé. Plus jeune, je pensais à un avenir certain. D’un coup, le doute s’empara de moi. « J’avais bâti des plans sur tout, - une montagne De projets »*. Et je les voyais s’envoler au fur et à mesure que je me découvrais pour la première fois. Je ne serai donc pas celui qui changerait tout… « [J]e croyais, pauvre esprit, qu’au monde je manquais…- »*. Il y avait un sentiment de défaite qui grandissait. L’assurance que j’avais toujours eue pour moi dans les études commençait dès lors à s’ébranler.

       En ce début d’année, ces réalités qui m’affectaient, ainsi que ma détermination à les surmonter avaient occupé tout mon esprit, assez pour que ce ne fusse pas la Vie qui m’affecte de nouveau par ses caprices.

     Durant les quatre premiers mois, mon amitié avec mes chers amis de Créteil n’avait guère changé, sinon que je les fréquentais moins à cause des nouvelles circonstances. Mais nos degrés d’intimité perduraient, et j’étais ravi que Laure fut toujours l’amie pour qui j’éprouvais autant de tendresse qu’auparavant.

     Il y avait dans ma classe des personnes vivement sympathiques, et je fus intégré au sein de celle-ci assez facilement. Mais l’absence d’intimité crée des liens de camaraderie plutôt, et ses liens-ci m’ont toujours apparu, même dans les années précédentes, assez superficiels parce que nécessaires au sein d’un groupe d’individus qui doivent cohabiter ensemble.

     Je pressentais néanmoins que cette nouvelle classe allait me plaire, parce que mes camarades paraissaient respectueux et respectables. Mais je ne pouvais penser que je serai ami avec quelque personne de manière assez intime pour pouvoir tisser des liens aussi fort que ceux avec mes amis de Créteil.

     Il faut dire qu’il s’agit d’un groupe d’amis avec lequel je m’étais lié d’amitié depuis la fin du collège. Avec l’entrée au lycée, nous avions pu entretenir nos relations malgré le fait que nous fûmes éparpillés un peu partout, à travers différentes classes ou différents lycées. Et puis, par exemple, l’année dernière en seconde, je ne considérais les nouvelles personnes que je connaissais dans ma classe seulement comme des «copains» ou des «connaissances», et je refusais de devenir «trop intime», parce que mes amis me suffisaient largement.

     Rapidement cette année, j’attirais la compagnie de N. un garçon aimable et courtois. Il était fils d’un scientifique éminent, et jamais n’a-t-il profité de cela pour se sentir supérieur à d’autres. Je trouvais ceci admirable, mais je ne pouvais m’empêcher de me sentir gêné quant à ma situation sociale. Cependant, aussi vite que nous fumes bons amis nous sommes devenus aussi indifférents l’un pour l’autre parmi nos autres camarades. Pour devenir vraiment ami avec quelqu’un, il y a un certain degré minimum d’intimité à atteindre, et avec N. cette étape ne fut pas vraiment franchie, peut être parce que nous étions trop différents.

     Quelquefois, comme toujours, le passé revenait à moi. J’avais alors de la peine. Pourtant je n’ai pas pleuré pendant les trois premiers mois qui ont suivi la rentrée. Ce ne m’était jamais arrivé depuis deux ans. Les soirs abattus étaient moins fréquents que l’année précédente, où bien souvent ils étaient quotidiens. Je me débattais avec moi-même parce que je savais que j’étais sur la bonne voie, et j’étais ainsi tiraillé entre l’abandon et résister.




Mais la guitare laisse échapper un silence murmuré

A travers les cordes sèches des heures perdues

Elle parle d’une autre époque, et

Malgré tout, c’est une consolation

D’écouter la mélodie des feuilles brunes

Quand les pétales du temps se détachent

un

à

un



* extraits de Ruy Blas de Victor Hugo

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